Et si on lisait une autobiographie qui nous parle à l'oreille ?
- Audrey Sabardeil auteur
- 16 mars
- 2 min de lecture
"La colline qui travaille" (2025)
Philippe Manevy
Éditions Le bruit du monde
Vous ne lisez pas volontiers des autobiographies ? Moi non plus.
Vous connaissez mal Lyon ? Plus mal encore La Croix-Rousse ? Je suis comme vous.
Et pourtant.
Pourtant, quel plaisir à lire "La colline qui travaille" !
Philippe Manevy y retisse le fil distendu de sa famille, "une lignée qui grandirait comme cet olivier, dont le tronc se compliquerait de ramifications confuses et entremêlées, et qui ne saurait plus dire quel vent l'a porté jusque là."
Et étonnamment, ce récit on ne peut plus personnel, intime même, opère. Il faut dire que l'auteur y met une telle délicatesse, assortie d'une telle justesse, que dès les premières pages, l'on comprend que, si tous les ingrédients habituels sont là (peinture d'un milieu - ouvrier surtout, mais pas que -, grande Histoire en marche - Guerre des tranchées, Léon Blum, Front Populaire, L'Occupation, les Trente Glorieuses, Mitterrand...) I 'on tient là une analyse sensible plutôt qu'historique ou sociale.
Il se pourrait que cette franche réussite tienne à cela : une écriture à la fois modeste et magnifique, par laquelle l'auteur parvient à embrasser des vies qui ne sont pas uniquement celles de ses grands-parents (entre autres) mais l'infinité des possibles qu'incarnent nos aînés. Nous les connaissons si mal. Si partiellement. Ces innombrables "petites gens" (comme disait avec dignité et fierté la mienne, de grand-mère), grandes de vivre leur vie.
En démêlant l'écheveau familial de l'auteur, on se surprend à renouer avec notre propre mémoire, à repenser à nos propres disparus, non plus dans leur lien avec notre propre sang mais dans leur parcours propre : comme si, devenant des personnages, ils nous apparaissaient enfin comme des personnes. Mamie a été enfant, jeune femme et femme, d'abord et surtout. On l'oublierait presque.
Lire "la colline qui travaille" nous parle si bien à l'oreille que ce "je"-là, même très loin de nous, remue ce qu'il y a de plus enfoui.
Je ne dirai plus que les autobiographies me laissent froide. Pas lorsqu'elles touchent à l'universel.

Comments